Présentation
«On a donc ainsi une véritable ascèse du signe, où la numérisation revient à s’abstraire de toute signification pour se rapporter à une manipulation mécanique sur des signes vides de sens.»
Bruno Bachimont
De nouvelles machines à calculer programmables ont colonisé notre quotidien et ont ouvert de nouvelles potentialités. Cette accélération dans les domaines de l’informatique (calcul) et du numérique (écriture) redéfinit nos modes de communication. Ces nouvelles machines ont la capacité de traiter automatiquement nos messages et en retour modifient notre manière de penser et de voir le monde.
L’écriture, système de codage, mobilise des unités de sens qui permettent d’enregistrer et de fixer sur un support un contenu de manière à le révéler à travers sa lecture. Ce système, technique d’extériorisation de la pensée, se voit transformé depuis l’arrivée des nouveaux dispositifs numériques : ses symboles en deviennent transformés et exécutables. Lors du passage vers l’écriture numérique, les contraintes techniques de la machine obligent nos textes à s’abstraire du sens pour passer en langage machine ; l’interprétation est pensée pour une manipulation purement mécanique. Ces systèmes encodent le signe pour le simplifier et compressent le message. Nos lettres se vident de leur sens et se retrouvent cryptées entre des 0 et des 1. Ainsi ôtées de toute signification et démunies de leur sémantisation, leur numérisation les rendent manipulable automatiquement à travers l’architecture de ces machines.
Ces codes, toujours plus éloignés de la structure de nos langages, où le numérique n’existe et n’est opératoire que par ces machines, condamnent l’humain à toute possibilité de lecture. Cette écriture numérique est encodée et décodée pour des machines qui les perçoivent et les interprètent. Ces textes intégralement automatisés, délaissés du traitement manuel, délèguent à ces machines la tâche de les manipuler.
Ce projet de design typographique tente de questionner cette nouvelle écriture et propose de positionner le spectateur/lecteur face à des formes où le sens semble perdu. Ces formes le laissent ainsi dans un paradoxe graphique : des symboles coincés dans une latence sémiologique.